Interview de Charlotte Fabre, metteur en scène

Alice au Pays du jazz - Vendredi 13 avril 2016 - 20h30

Alice s’endort et se retrouve au pays du Birdland, un royaume peuplé de personnages extraordinaires, habités par l’âme des plus grands Jazzmen. Mais ce monde merveilleux est opprimé par la terrible Reine de Coeur, qui ne supporte qu’un seul rythme, celui du battement de coeur.

Au risque de se faire arrêter et couper les oreilles, les habitants du Birdland ne pensent qu’à une seule chose : jazzer toutes les heures de leur vie. Avec eux, Alice découvre le jazz. Elle assiste à la censure et à la prohibition de ce courant musical habité par un esprit de révolte, de désespoir, de passion et de vie.

 

Une initiation subjective à l’univers du jazz ! Spectacle tout public à partir de 6 ans ... Un bon programme pour une jeunesse en quête de nouveaux mondes.

 

Un MERCI spécial aux élèves du collège Descartes pour leur participation à la création de l'affiche pour la représentation de Fontenay-Le-Fleury !

 

Par la Compagnie L'Envol du Regard

Pour vous lancer dans une aventure théâtrale qui intègre une partie jazz, faut-il avoir une compétence particulière dans ce genre de musique ?

Un compétence, je n'irais pas jusque là! Disons, une inclination, un goût pour le Jazz, une curiosité,  une envie de s'y plonger, et puis un sens du rythme qui fait de toute façon partie du métier de metteur en scène.

Une fois ces conditions réunies, nous avons écrit le texte à deux (avec Pauline Mongin, aussi comédienne dans le spectacle). Nous avons lu beaucoup, écouté du Jazz, jusqu'à sentir que nous comprenions un peu mieux les divers courants, les petites histoires des musiciens et la grande histoire du Jazz. Le comédiens aussi sont arrivés avec leurs références, leurs lectures, leurs connaissances, et nous avons mis tout ça en commun.

Et surtout, nous avons notre arme secrète, notre Arthur Links, précieux guitariste du spectacle et puits de science quant il s'agit de solfège et de Jazzmen. Lui, il est plus que compétent!

 

Le conte « Alice au pays des merveilles » se prête-t-il à ce type de traitement ?

OUI! C'est troublant, d'ailleurs! À la base nous nous sommes lancées dans cette adaptation sur une intuition, un instinct, et chaque chapitre confirmait que l'intuition était juste. La liberté d'expression, la folie, l'inventivité, l'étrangeté, la prohibition, les discriminations, l'oppression, les personnages charismatiques, tous ces éléments font partie intégrante du conte de Lewis Caroll, et sont les bases de notre dramaturgie qui propose une traversée subjective et non-exhaustive de la découverte du Jazz par une petite fille.

 

Pensez-vous que le jazz soit une musique adaptée à un jeune public ?

C'est sûr que les enfants, sans leurs parents, n'auront pas le réflexe de se passer un bon petit 33 tours de Miles Davis le mercredi après-midi!

Mais justement, là se trouve notre mission!

Non pas à former de parfaits petits mélomanes, mais à ouvrir les horizons, à suggérer d'autres possibles, à élargir les oreilles et assouplir les esprits. Nous associons les morceaux à des situations concrètes et des personnages identifiables, ce qui introduit le jazz de manière ludique et naturelle pour les petits. Et figurez-vous qu'ils adorent claquer des doigts et se trémousser sur un bon vieux standard!

 

Alice est une œuvre difficile d’accès dans sa version d’origine, faut-il impérativement l’infantiliser pour la rendre audible ?

L'infantiliser? Non, pas du tout! Nous avons coupé beaucoup de chapitres, mais seulement pour épargner à notre jeune public un spectacle de 2 heures! Nous avons recentré l'action sur le parcours d'Alice dans ce pays étonnant, pour mieux la regarder se transformer de petite fille un peu capricieuse en jeune fille engagée et courageuse, prête à se battre pour une cause en laquelle elle croit.

Je crois que nous avons gardé la bizarrerie, l'inattendu et la cruauté inhérents au texte, tout en y ajoutant notre propre humour et notre propre façon de nous adresser aux enfants.

 

« La chasse au Snark » du même auteur est une œuvre moins connu mais plus pertinente, le choix d’Alice est il un choix opportuniste, commercialement parlant ?

Alors c'est une fort bonne question, et fort épineuse! Évidemment, nous avons bien vu, une fois le projet monté,  que la simple évocation d'Alice fait réagir, nous donne un peu plus de poids et éveille l'intérêt des professionnels comme des pédagogues.

Et C'est vrai, la Chasse au Snark est un super bouquin.

MAIS: voilà quelques années que la compagnie existe et que nos préoccupations premières sont la dramaturgie et sa cohérence avec le discours que nous livrons aux enfants...

Le Snark, que je conseille à tout le monde, crée un univers très absurde, plutôt pessimiste, qui pour moi parle de vanité, et qui ne raconte pas du tout ce que nous cherchons à dire sur le jazz. Alice est un messager parfait pour nous emmener, sans qu'on s'en rende compte, dans toutes ces considérations importantes: nous voulions à travers l'histoire du Jazz, parler de transgression, de lutte contre les injustices, de liberté de choix, de goût, de création. 

 

Le regard d’une artiste femme sur le texte de Lewis Caroll vous semble-t-il apporter un discernement différent quant à l’approche esthétique et psychologique de la narration?

Je ne m'étais jamais posé la question sous cet angle. Mais sans doute, le fait d'être un metteur en scène féminin et que nous soyons deux auteurs femmes (auteures?!) nous a conduites à envisager le personnage d'Alice comme une future femme forte, une rebelle en devenir, une résistante qui s'ignore, plutôt que comme une petite poupée un peu paresseuse et tout à fait inculte, comme on peut souvent se la représenter!

Du coup on a concentré l'action sur son parcours et sa découverte d'elle-même en tant qu'"indignée".

Et puis, je ne sais pas si c'est lié au fait que je sois une femme, mais je tiens toujours à prendre les enfants par la main et à partager avec eux le peu de sagesse que j'ai pu acquérir durant ma petite existence. L'aspect pédagogique et formateur est une chose dont se défend totalement Lewis Caroll alors que c'est une des raisons essentielles de mon activité de metteur en scène et actrice pour le jeune public.

 

Vous reconnaissez-vous dans le personnage d’Alice ?

Je n'ai jamais été une petite fille rebelle, je n'ai jamais eu, enfant, le répondant qu'elle peut avoir, ni l'énergie qu'elle dégage. Par contre, là où je peux me connecter à cette petite personne, c'est dans le sens de le justice, dans l'indignation. Et puis dans cette curiosité naturelle dont elle fait preuve, cette envie d'aller à la rencontre du monde et des autres.

Et ce rêve qu'elle fait (mais est-ce vraiment un rêve?) nous montre l'étendue de son imagination: j'ai tendance à faire - en mon for intérieur, ça ne vous regarde pas! - un parallèle entre ce monde onirique qu'elle développe, avec ses règles du jeu, ses personnages délirants, sa part d'inattendu, un parallèle donc, entre cette façon de rêver et mon activité de metteur en scène.

 

Vous avez joué la pièce de nombreuse fois à Paris, quel en est le retour des enfants ?  

J'adore cette question parce que je suis à chaque fois étonnée par les réactions des enfants!

D'abord, parce que tout d'un coup, le jazz n'est plus pour eux une musique de papa bonne à écouter dans une salle d'attente, mais quelque chose de vivant, de mouvant, de dansant! Nous les avons vus danser, chanter, battre la cadence, et pour nous c'est déjà une réussite.

Et puis ils sont tellement investis dans le combat d'Alice contre l'oppression de la Reine de Cœur! L'actrice qui joue la Reine, Lorraine est très drôle et très forte et d'habitude les enfants l'adore, mais là elle se fait huer, on la traite de menteuse, de tricheuse. C'est très émouvant de voir nos petits publics s'engager autant, décider que là, ça suffit, il ne faut pas exagérer, et exprimer leur révolte.

Ce qui ressort des discussion post-spectacle, c'est de l'admiration: "Alice est courageuse, elle n'a pas eu peur de la Reine", une découverte "le jazz c'est trop bien!", et une envie de musique et de liberté!

 

Merci chère Charlotte pour la générosité de vos réponses !

Informations & Réservations au 01 30 07 10 50 ou sur www.theatredefontenay.com

 

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