Interview de Jean-Claude Cotillard pour "Fin de Série".

Vendredi 18 novembre à 20 h 30

La Cotillard Cie

Votre spectacle est inclassable, burlesque, gestuel, dramatique, chorégraphique… Est-ce que vous êtes en mesure de l’intituler par son style ou son genre ?

 

C’est une œuvre dramatique. C’est du théâtre. Il se trouve que les deux personnages principaux ne s’adressent plus la parole et  que le troisième personnage parle beaucoup, mais ce qu’il dit n’a aucun intérêt. C’est donc le son de sa voix et le débit des paroles qui est mis en scène par un code de langage stylisé : le grommelo. Ensuite, c’est un spectacle d’images. Il faut donc trouver un rythme particulier avec un code de jeu qui nous rappelle la bande dessinée. Chaque plan est important. Enfin burlesque parce que nous poussons la souffrance, l’aigreur et l’insatisfaction jusqu’au « trop plein », d’où naît le rire.

C’est donc une pièce de théâtre visuel et burlesque visitée dans la mise en scène par l’esprit des clowns, des mimes et des danseurs.

 

Est-ce que le langage gestuel, sans paroles, rend le spectacle plus populaire ou peut-on considérer que le langage du geste peut être lui aussi difficilement accessible ?

 

Le spectacle Fin de série est populaire par ce qu’il raconte : la vie des gens. Le public français n’a pas l’habitude de spectacles quasi sans paroles. Mais il ne se pose pas de questions quand il reçoit l’histoire racontée. Le langage du geste peut-être difficile s’il est dans l’abstraction. Ce n’est pas le cas de Fin de série. Une forme de délire oui. D'énormité peut-être. Mais ce n’est que l’image grossie de ce que ces personnages vivent et taisent.

 

Depuis « les hommes naissent tous égo » vous excellez dans la pratique de la narration gestuelle. Pourquoi ce goût pour une dramaturgie exclusivement écrite pour le mouvement ?

 

Plusieurs choses sans doute. Le gout de l’observation de loin des scènes de la vie. Le cours de mime dans lequel j’ai passé quatre ans et où je suis né artistiquement. La passion pour les films d’avant « le parlant » et dans lesquels tout était dit. Ma difficulté à me concentrer pour lire des pièces de théâtre. Ma passion sans limite pour les films de Jacques Tati dans lesquelles la parole est le plus souvent un murmure. Mon addiction aux chorégraphies de Pina Bausch parce qu’elle plonge au profond de l’humain. Sa danse n’est pas une abstraction mais la vérité et la sublimation du corps qui se débat.

 

Comment situez-vous cette dramaturgie si singulière dans le théâtre classique ?

 

Je crois qu’il y a eu une évolution intéressante à la fois dans le théâtre et dans la danse (auxquels on pourrait rajouter le cirque et les marionnettes). Délesté de l’esprit un peu réducteur de la pantomime, l’art du théâtre gestuel a trouvé sa place chez les danseurs qui deviennent comédiens et chez les créateurs plasticiens: Aurélien Bory, Yoan Bourgeois, Camille Boitel, par exemple, qui pratiquent l’écriture de plateau et qui cultivent la prouesse corporelle avec une vraie dramaturgie.

 

Quel regard porte les professionnels sur votre spectacle ?

 

Les journalistes ont été quasi unanimes pour saluer Fin de série. C’est plus compliqué chez les programmateurs, plus à cause du sujet que de la forme d’ailleurs. D’une façon générale ils apprécient le spectacle, mais certains ont « peur » (parce qu’on est pas gentils avec les vieux et qu’ils ont des abonnés du troisième, quatrième, cinquième âge ?)

 

Quel retour avez-vous de la part du public lambda ?

 

Disons que le public s’amuse bien. Ils reconnaissent leurs voisins, leurs parents, oncles ou tantes (plus rarement eux-mêmes). Certains, tout en ayant pris du plaisir, sont un peu paniqué par, disent-ils, ce qui les attends. Nous avons eu de rares protestations parce que ce n’est pas bien de se moquer des vieux (en général ceux qui venaient d’être opéré pour une prothèse de hanche et qui avaient du mal à sortir de la victimisation).

 

Visuel Billeterie